Un manque d’apprentissage formel
Mon histoire remonte à ma petite enfance, quand mon père est décédé lorsque j’avais à peine six mois. À l’époque nous habitions l’Afghanistan, pays que ma mère et moi avons quitté pour l’Iran lorsque j’étais âgé de deux ans. La vie était vraiment difficile, car les Afghans n’avaient pas le droit d’aller à l’école ni d’occuper un emploi dans leur pays. Donc, je n’ai jamais connu ce que c’était que d’aller à l’école, et j’ai tout manqué jusqu’à la cinquième année. Puis, nous avons été parrainés pour immigrer au Canada; j’avais onze ans. Ce pays nous a permis un nouveau départ dans la vie. Mes problèmes ont commencé à notre arrivée au Canada, lorsque j’ai entrepris la cinquième année.
J’ai eu beaucoup plus de difficulté que les autres enfants parce que Je n’avais pas la même base d’apprentissage qu’eux. Je ne connaissais pas les mots, je ne savais même pas comment tenir un crayon. Les autres élèves m’ont grandement aidé. En l’espace de six mois, j’étais devenu l’interprète pour les nouvelles familles qui venaient de l’Afghanistan comme moi, et qui voulaient inscrire leurs enfants à l’école. C’était moi, un élève de cinquième année, qui traduisait pour eux! C’était quelque chose, et ça m’a fait réaliser que j’avais atteint mon objectif : je pouvais parler la langue, au point où on me demandait de traduire. Cela m’a fait comprendre qu’on peut arriver à tout quand on y met vraiment du sien et qu’on y consacre des efforts. Et avec un bon réseau de soutien, tout est possible.
Des rencontres individuelles
L’école avait embauché une enseignante stagiaire pour m’aider à rattraper mon retard au moyen de rencontres individuelles. Je pense que sans cette jeune femme, je ne serais pas où je suis aujourd’hui. Elle m’a vraiment beaucoup aidé! Ma mère m’a aussi énormément soutenue. Elle a vécu tellement de choses dans sa vie; elle a sacrifié sa vie pour moi et ÇA, c’est énorme! Si je n’avais pas eu ce soutien, mon histoire ne serait pas la même. En voyant les sacrifices de ma mère, j’étais encore plus motivé à m’améliorer, car je voulais la rendre heureuse. Ses sacrifices m’ont fait voir que je devais faire de mon mieux pour m’épanouir et devenir l’homme dont elle rêvait.
Déménagement à Toronto
Lorsque j’étais en 7e année, nous avons décidé de déménager à Toronto, pour une vie meilleure et davantage de défis, je suppose. La vie est en effet devenue palpitante! Il y a plus de possibilités, on rencontre plus de gens, et on croise même plus de personnes de notre pays, ici.
Au secondaire, je n’étais pas le meilleur athlète, mais j’ai joint toutes les équipes sportives que j’ai pu. Je me retrouvais assis sur le banc ou alors je jouais peu, mais je faisais partie de toutes les équipes! Fait amusant, en 10e année, mon entraîneur a créé un prix spécial pour leadership sportif, juste pour moi! Il savait que je n’étais pas le meilleur, mais que je ne cesserais jamais d’essayer et de faire de mon mieux, peu importe la situation.
En plus, mon entraîneur m’a remis la responsabilité d’organiser des compétitions et des événements sportifs intra-muros, parce qu’il savait que j’étais bon pour rassembler les gens autour d’un objectif. Je me suis beaucoup impliqué à l’école et dans les sports.
Ce fut un élément déclencheur qui m’a permis d’identifier une de mes forces : je peux entreprendre des choses et aider les gens. Je voulais couper pouvoir venir en aide à d’autres personnes. C’est pourquoi je travaille aujourd’hui dans la communauté dans laquelle j’ai grandi. Je vois des jeunes en difficulté, qui ne bénéficient d’aucune aide ni d’aucun soutien! Alors ils se tournent vers la drogue, ou les gangs violents, ou fréquentent des amis qui leur nuisent. Ça m’est tout naturel de comprendre les gens qui ont besoin d’aide, pourquoi ils ont besoin d’aide et en quoi je peux être utile.
Figures paternelles
Mon prof de gym et mon prof d’histoire ont tous deux joué un rôle très important dans ma vie : ils ont été des figures paternelles pour moi qui n’avais jamais eu de père. Je me suis confié à eux, et je vous jure que depuis, à chaque semestre lorsque je retourne à l’école, à l’école secondaire, ils sont là et je vois un amour incroyable dans leurs yeux. Ils m’ont beaucoup aidé en me soutenant dans les décisions que j’ai prises, notamment celle d’aller à l’université, et m’ont encouragé à faire ce que je fais aujourd’hui.
Leçons de vie
Une importante leçon de vie que j’ai retenue est qu’au lieu de s’en faire à propos de petites choses comme l’argent, les relations, les choses qu’on n’a pas et que d’autres possèdent, nous devrions parfois apprécier que nous sommes en vie sur cette terre pour vivre un autre jour. Si je retournais aujourd’hui en Afghanistan, je ne pourrais jamais savoir si je serais vivant le lendemain. Et c’est ce qui me motive à me lever jour après jour. Par ailleurs, le reste viendra : l’argent, les relations, la prospérité… ces choses viennent avec le temps. On doit être bienveillant envers soi-même et comprendre qui l’on est plutôt que de se comparer aux autres, parce que chacun a ses propres difficultés. Comprendre ce qui nous rend unique et spécial est ce qui est vraiment important.
C’est tout un accomplissement qu’un enfant, un enfant de l’Afghanistan avec seulement une mère et sans figure paternelle dans sa vie, y soit arrivé. Parfois, une telle histoire donne aux autres une sorte d’énergie, un pouvoir qui permet de dire : « Je peux y arriver, moi aussi! »
Enfin, je crois qu’il est aussi essentiel qu’on reste fidèle à soi-même.