On a demandé à Deanna Dunham, Gestionnaire, Initiatives autochtones chez Jeunesse, J’écoute, de décrire les défis complexes auxquels sont confrontés les jeunes Autochtones au Canada aujourd’hui. Elle hésite un instant avant de répondre. « Il en existe beaucoup », lâche-t-elle après un moment. Elle en énumère ensuite quelques-uns.
Un taux élevé de suicide. Taux élevé d’incarcération. Une proportion plus élevée de jeunes qui vivent en famille d’accueil (au Manitoba, par exemple, ils représentent 90 % des enfants placés). La pauvreté, un enjeu majeur. Les effets durables de la colonisation. En effet, les traumatismes vécus, notamment le déplacement forcé des peuples autochtones, pèsent lourdement et se transmettent de génération en génération.
En résumé, les jeunes des Premières Nations, Inuit et Métis sont en crise. Pourtant, malgré les besoins urgents et croissants en matière de santé mentale, très peu d’options s’offrent à eux. Dans les communautés éloignées, les services d’intervention clinique sont intermittents ou inexistants, les listes d’attente sont longues et de nombreux jeunes Autochtones ne savent tout bonnement pas comment ni où s’adresser.
Selon Mme Dunham, « le manque d’accès aux services de santé mentale peut gravement nuire aux jeunes Autochtones et avoir des répercussions sur les autres aspects de leur vie. La santé mentale est liée de près à la sécurité alimentaire, aux opportunités économiques et à l’accès à l’éducation. »
Tels sont les défis relevés par Jeunesse, J’écoute et exposés dans sa Stratégie d’action pour soutenir les jeunes des Premières Nations, Inuit et Métis. Élaborée par notre Conseil consultatif autochtone (un comité composé de leaders autochtones et d’experts), la stratégie d’action, intitulée Trouver l’espoir, détaille les principaux objectifs et les activités conçues pour nous aider à atteindre, au fil des mois et des années à venir, cette population extrêmement à risque. Un de nos objectifs consiste non seulement à accroître le nombre de séances avec les jeunes Autochtones, mais aussi d’augmenter la représentativité parmi le personnel et les bénévoles.
Depuis 2019, soit depuis que nous avons entamé une sensibilisation ciblée, le recours à nos services a augmenté de façon spectaculaire parmi les jeunes Autochtones. Comparativement à 2018, le nombre d’interactions par téléphone, texto ou clavardage a augmenté de 143 % pour ce segment de jeunes.
« Le message que nous désirons transmettre aux jeunes Autochtones et d’après la réponse à nos efforts de sensibilisation, c’est que Jeunesse, J’écoute est disponible 24 heures par jour, 7 jours par semaine », rapporte Kathy Hay, présidente et directrice générale de Jeunesse, J’écoute.
Nous sommes toujours là pour eux, que ce soit lors de délais d’attente pour accéder aux services ou entre chaque séance avec un intervenant. Nous offrons une option accessible lorsqu’ils n’ont pas d’endroit vers où se tourner.
Par ailleurs, la stratégie d’action insiste sur la nécessité de nouer des liens avec les communautés autochtones et d’appuyer les initiatives prises à travers le pays, et ce, afin d’optimiser la sensibilisation du public et l’accès à nos services auprès des jeunes des Premières Nations, Inuit et Métis. Nous avons d’ailleurs franchi une étape importante à la fin de l’année 2019 en créant le Réseau d’initiatives autochtones, une plateforme centrale qui rassemble groupes communautaires, militants, leaders et experts des peuples autochtones, et qui nous aide à atteindre les communautés les plus vulnérables, mais aussi à promouvoir les programmes autochtones et les possibilités de bénévolat.
Selon Mme Dunham, le Pinehouse Photography Club constitue un bel exemple des groupes avec lesquels Jeunesse, J’écoute entre en contact par l’intermédiaire du Réseau d’initiatives autochtones. Situé à Pinehouse en Saskatchewan, ce club de photographie mobilise de jeunes Cris et de jeunes Métis à se pencher sur la question de l’art et de son pouvoir guérisseur.
Pour Skylar, un membre du club, le Pinehouse Photography Club a une grande importance dans sa vie. « Je viens d’un milieu où l’alcool et la drogue faisaient partie intégrante de mon environnement, raconte-t-il à Jeunesse, J’écoute. Des pensées suicidaires m’ont traversé l’esprit. Ce club a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Il a rendu ma vie tellement plus simple et agréable. »
Jeunesse, J’écoute est désormais bien connu dans le petit village situé au nord de la Saskatchewan. Dans ses documents, l’organisme a régulièrement recours à des photographies achetées aux jeunes du Club, leur offrant ainsi une plateforme pour s’exprimer et partager leur talent.
Pour le moment, le Conseil consultatif autochtone continue d’axer ses efforts sur l’éducation, la sensibilisation et le renforcement des capacités. En collaboration avec des partenaires externes, une formation sur les compétences culturelles est dispensée à l’ensemble du personnel, ainsi qu’à nos équipes d’intervenants professionnels cliniques et de Répondants aux crises bénévoles, qui doivent être bien outillés pour répondre aux besoins complexes des jeunes Autochtones alors que ces derniers nous contactent de plus en plus.
Malgré les nombreux défis devant être relevés pour poursuivre ce plan d’action ambitieux, Jules Koostachin, coprésidente du Conseil consultatif autochtone, se dit encouragée par les changements déjà opérés. Elle se montre plutôt optimiste au sujet des profondes transformations à venir en ce qui concerne la santé mentale des jeunes Autochtones.
« J’espère que Jeunesse, J’écoute et ses ressources seront un jour connus par l’ensemble des jeunes Autochtones au Canada et que ces derniers réaliseront qu’il y a toujours quelqu’un à qui parler en cas de besoin ou de crise », dit-elle.